L’aventure d’une Maison d’Alliance chez les bénédictines
le 16 février 2024Rencontre avec Sœur Marie, Abbesse de l’abbaye de la Rochette depuis 10 ans
Bonjour ma mère,
Pouvez-vous nous présenter l'historique de votre communauté et de votre abbaye ?
Nous sommes des bénédictines dont les origines sont en Dauphiné, près de Vienne. Après la Révolution et une période souterraine, madame de Bavot a relancé l’ordre bénédictin dans la région. C’est à ce moment que nous avons eu des liens très forts avec l’abbaye de Pradines et que nous nous sommes installées dans la région de Lyon, à Caluire. Peu à peu, la ville est arrivée jusqu’à nous. Nous avons donc songé à trouver un lieu plus tranquille et nous sommes arrivées en Avant-Pays savoyard.
Nous étions à ce moment-là 73 sœurs mais, les années passant, nos rangs se sont clairsemés. Nous avions des ateliers d’imprimerie, d’ornements liturgiques, d’imagerie que nous avons dû abandonner au fil du temps. Actuellement, nos ressources viennent de l’hôtellerie mais aussi du magasin que nous conservons, il nous permet une petite évangélisation.
Dans le bâtiment qui deviendra la Maison d’Alliance, nous avions chacune notre chambre, des lieux communs, les ateliers ainsi que des services comme la buanderie, la cuisine… Aujourd’hui, nous sommes treize sœurs, dont deux qui sont en Ehpad, et la moyenne d’âge est élevée.
Comment et pourquoi avez-vous décidé de chercher une nouvelle organisation de vie ?
Lorsque nous nous sommes retrouvées à 20 sœurs, nous avons commencé à nous sentir un peu perdues dans ces bâtiments. Nos réflexions ont été longues. Que faire ? Partager la maison en deux ? Cohabiter avec qui ? Comment ? C’est alors que j’ai entendu parler de béguinage.
Nous faisions, à ce moment-là, des travaux qui ont duré une année, qui nous ont permis de nous regrouper dans l’ancienne partie : une maison forte qu’on appelle le château.
À partir de là, les projets pouvaient être envisagés plus concrètement. Nous étions désormais totalement indépendantes et une aile complète de la maison était disponible.
Pouvez-vous nous raconter comment ce projet est né ?
J’ai eu plusieurs contacts avec toujours cette idée de béguinage dans la tête. J’ai rencontré des personnes de Maisons d’Alliance qui ont été emballées par le lieu. La communauté a voté pour s’investir dans ce projet. Et la mairie y adhère également, pour nous, pour les futurs résidents et pour les relations dans le village.
La vocation bénédictine est plutôt contemplative… Ce choix des Maisons d’Alliance est-il vraiment adapté ?
L’accueil est important dans la règle de saint Benoît. Nous avions déjà une hôtellerie, mais nous pouvions élargir cet accueil. En revanche, il est important que l’on ait la même vision des choses, que tous aient conscience de la démarche qu’ils font en venant vivre ici. Les postulants ont eu un entretien avec un membre de la communauté bénédictine, une personne des Maisons d’Alliance ainsi qu’une médiatrice. Pour certains, c’est quitter une région, des amis, des coutumes… C’est important d’affiner ce projet pour eux comme pour nous.
Concrètement, comment cette nouvelle Maison est-elle organisée ?
Nous avons 27 logements disponibles. La cuisine est équipée mais pour le reste les résidents apportent leurs meubles. Chaque personne est autonome dans son appartement, ce n’est pas une résidence senior. Même si nous allons recevoir une trentaine de personnes, dont deux couples, qui sont plutôt des retraités de 55 à 86 ans, il pourrait très bien y avoir des plus jeunes. Nous avons un T4 qui pourrait être occupé par une famille. Dans les bâtiments, il y a un foyer, un atelier pâtisserie, une laverie… Il va falloir que cette communauté construise le bien vivre ensemble. Pour les aider, ils auront une réunion mensuelle, avec une coordinatrice, et verront entre eux ce qu’ils peuvent concevoir avec leur autonomie et de l’entraide… Pourquoi ne pas organiser des conférence, créer une bibliothèque… ?
Les premiers résidents arrivent dès le 12 février, c’est imminent.
Quelles sont les attentes de votre communauté ? Quels bénéfices mutuels pourrez-vous recevoir les uns des autres ?
Il y une attente de partage spirituel. Nous retravaillons en ce moment notre liturgie. Nos chants étaient un peu compliqués, à plusieurs voix. Nous sommes en train de réviser, remodeler tout cela afin que les personnes qui vont venir puissent mieux rentrer dans nos chants au cours de nos offices.
Il y a aussi la partie partage. Certains pourraient nous aider par exemple à l’infirmerie, faire une permanence l’après-midi pour que les sœurs aient du passage, que d’autres puissent répondre au téléphone, remettre notre jardin en route. Il y a des choses à créer, à repenser.
C’était important de trouver une solution avec un lien spirituel, que nos locaux ne soient pas juste en location.
Pour conclure, notre grand enjeu est de conserver notre vie monastique avec le silence, la clôture et notre vie communautaire. Avec un médiateur, nous avons revu les points essentiels de la règle de vie de saint Benoît. Que voulons-nous garder et pourquoi ? Que veut dire l’obéissance et le silence aujourd’hui ? Comment concilier au mieux notre abbaye et la Maison d’Alliance ? Ces réflexions nous ont permis de nous rapprocher et d’être confiantes dans l’avenir.
Un projet ambitieux - Abbaye de La Rochette - Abbaye de la Rochette - Une communauté monastique accueillante